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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 23:46

Notes prises lors de la conférence sur l’agriculture biodynamique

le 30 avril 2011 à Chercq (Tournai)

André Dumey (Valenciennes) et Joëlle D’Hondt (Soignies)

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Dans le prolongement de l’agriculture biologique, la biodynamie insiste davantage sur une vision globale et systémique de l’agriculture. Les différents règnes du monde naturel (minéral, sol, végétal, animal & humain) sont interdépendants, ils doivent donc vivre en harmonie et en adéquation. Rudolph Steiner [1]considérait la ferme comme «un organisme agricole », comparable au corps humain, constitué d’un ensemble de parties qui travaillent séparément et ensemble à la fois, qui s’interpénètrent, qui sont toutes différentes mais où chacune a son rôle, qui ne travaillent pas pour elles-mêmes mais bien pour une cause commune. Les biodynamistes considèrent tout particulièrement le terroir en tant que dimension à la fois globale et spécifique du lieu. Le monde naturel est vivant et les interactions qui s’y produisent ont des incidences qui bien souvent nous dépassent.

L’immense diversité d’organismes est largement justifiée par une répartition des rôles à jouer dans le système. Par exemple, la décomposition, véritable travail à la chaîne, fait appel à une longue suite d’êtres : des cloportes aux collemboles pour le broyage, une large gamme de champignons pour la transformation et d’animaux (principalement les vers) pour la digestion et le transport. Selon André Dumey, pour réaliser un bon compost, il faut passer le fumier dans le moulin de l’épandeur afin de pré-broyer et d’aérer. Il ne doit pas chauffer de trop, contrairement à ce que l’on dit en bio (pour tuer les parasites et brûler les semences de ‘mauvaises herbes’), le cas échéant le compost perdrait de son énergie et se minéraliserait : il fertiliserait alors le sol au lieu de le vivifier (le faire travailler). Certaines préparations permettent d’empêcher le compost de chauffer. Un bon fumier disparait rapidement dans un bon sol : il est rapidement absorbé.

Une plante qui pousse trop vite est déséquilibrée et donc déséquilibrante pour celui qui la mange: les besoins de la plante sont très diversifiés, ils nécessitent donc un milieu équilibré. Le poids, mesure habituelle d’échange dans l’agriculture conventionnelle, ne rend pas compte de la vraie qualité du produit : sa richesse et son équilibre.

L’ortie est la plante royale pour les biodynamistes : elle contient beaucoup d’éléments intéressants et notamment du fer [2]sous forme vivante (non minérale) ce qui la lierait à la planète Mars. Par la richesse de sa composition, elle est une grande régulatrice, elle améliore significativement la fécondité et la santé des jeunes les premiers mois après la naissance. André Dumey parle « d’effet levure » pour dire que l’ortie aide à l’assimilation des autres plantes par l’animal.

« Une terre vivante se guérit elle-même » ainsi les adventices, « mauvaises herbes », ont leur rôle dans le rétablissement de l’équilibre sanitaire du sol. Le mouron aide à la digestion d’une grande concentration de matière organique. En fleurissant, la renoncule et le pissenlit évacuent le poison du sol : il faut donc « faire fleurir la terre » en intégrant à la rotation un assolement fleur.

L’agriculteur en biodynamie essaie de profiter au maximum des interactions positives entre les organismes : la symbiose. Il préfèrera donc la luzerne et les légumineuses au maïs. La luzerne produit du sucre en exsudat par ses racines et attire des bactéries spécifiques dispersées dans le sol qui intégreront l’azote de l’air au sol et participeront ainsi à l’enrichissement du sol. Cette interaction est non seulement gratuite mais est largement positive pour l’agriculteur : il produit et enrichit son sol à la fois. Tous les organismes sont en interactions avec les autres : ils bénéficient de leur voisinage et lui rendent la chandelle sous une autre forme : seul l’homme prend sans rendre, le compost est donc sacré pour les biodynamistes : c’est le remerciement des hommes à la terre.

La biodynamie est connue pour ses préparations. La première est la bouse de corne, elle interpelle les forces telluriques et aide au développement racinaire. La seconde est la silice en lien cette fois les forces cosmiques et de structure, elle intervient pour la partie aérienne de la plante. Ces deux préparations se combinent et se complètent. Même si les quantités à l’hectare utilisées paraissent infimes, les résultats ne se font pas attendre : le seigle ne verse plus, les animaux qui s’en nourrissent sont plus vifs, etc. Une troisième préparation s’ajoute : le compost de bouse qui aide à la décomposition et qui est considéré comme un grand dépolluant.

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Qu’en penser ?

À notre époque, ces méthodes et pensées peuvent paraître farfelues et mystiques. Elles nous viennent d’un long héritage qui a été violemment menacé au début du XXe avec le développement de la science agronomique. Il faut rester critique et clairvoyant face à ces connaissances mais nous devons tout au moins avoir la finesse de nous en inspirer, il y a de l’idée là derrière. C’est un savoir empirique qui est resté trop longtemps « hors-la-science » et que nous devons actualiser. Sa perception holistique de la ferme, « l’organisme agricole », sa dimension ‘système d’interactions’ et le rôle de la biodiversité : au moins trois thèmes qui trouvent sens avec les récentes avancées de la science. Si cette méthode agricole interpelle des forces dont nous ne savons encore que peu de choses, ne les rejetons pas et tentons humblement, à coup d’expériences personnelles, de les utiliser…



[1] Lire le « cours aux agriculteurs » de Rudolph Steiner

[2] Et aussi deux fois plus de protéines que le soja 

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